Collegium Academicum : un habitat coopératif, par et pour les étudiants


Quiconque étudie aujourd’hui à Gand ou ailleurs en Flandre sait combien il est devenu difficile de trouver une chambre étudiante abordable. Les prix augmentent rapidement et le marché est dominé par des acteurs commerciaux, souvent sans grande attention pour la durabilité ou la vie communautaire. À Heidelberg, en Allemagne, des étudiants ont démontré qu’une autre voie est possible : ils ont réalisé, avec le Collegium Academicum, un vaste projet d’habitat coopératif entièrement développé et géré par eux-mêmes. Le 2 octobre, Elisa Romeu, l’un des jeunes initiateurs, sera présent au STAM à Gand pour expliquer comment ces étudiants ont réussi à façonner leur propre cadre de vie – une expérience qui peut également inspirer la Belgique.

Le Collegium Academicum actuel s’inscrit dans une longue tradition d’autogestion étudiante à Heidelberg. Dès 1945, une première version avait vu le jour à l’initiative des Américains, afin de permettre aux étudiants de s’exercer à la participation démocratique. Dans les années 1970, lorsque l’université a voulu fermer le bâtiment, de vives protestations ont éclaté, aboutissant même à une expulsion violente. Mais l’idée a perduré : dans les années 1980, un nouveau groupe résidentiel s’est formé pour maintenir cet idéal vivant. C’est de ce réseau qu’est né le projet actuel, qui a pris corps dans les années 2010 lorsque les étudiants ont pu acquérir un terrain sur un ancien site hospitalier américain.

L’autogestion comme moteur

Ce qui rend ce projet unique, c’est le choix radical de l’autogestion. Plutôt que de fonctionner selon une hiérarchie classique, les étudiants ont mis en place des assemblées plénières hebdomadaires et de nombreux groupes de travail, allant de la coordination de la construction à la communication. Chaque décision – qu’il s’agisse des cadres de fenêtres, des performances énergétiques ou du financement – a été prise collectivement. Ce processus a exigé de la persévérance : plus de dix années de préparation et de concertation ont précédé l’ouverture. Mais cette approche a rendu le projet plus solide, et souvent plus efficace que les parcours traditionnels, car les futurs habitants défendaient eux-mêmes leurs intérêts et cherchaient ensemble des solutions.

Au cœur du projet se trouve un bâtiment en bois de quatre étages comprenant 176 chambres étudiantes, conçu par l’architecte Hans Drexler. Il a développé un système de construction novateur utilisant uniquement des assemblages en bois, sans acier. Les cloisons intérieures sont modulables, permettant aux habitants d’agrandir ou de réduire leur chambre au profit des espaces communs. Outre les chambres, l’édifice offre plus de 500 m² d’espaces collectifs, tels qu’un auditorium, des ateliers et un toit-jardin. Les étudiants ont également fabriqué eux-mêmes leur mobilier et les cloisons dans leur propre atelier. Le loyer d’une chambre est d’environ 315 euros par mois, nettement inférieur aux prix du marché locatif libre à Heidelberg.

Ancré dans un réseau plus vaste

Le projet se distingue également sur les plans juridique et financier. Le Collegium Academicum fait partie du Mietshäuser Syndikat, un réseau allemand garantissant que les projets de logement coopératif ne puissent jamais être revendus sur le marché privé. Ce modèle combine la gouvernance des habitants avec un droit de veto du Syndikat en cas de revente, assurant que le bâtiment reste en propriété collective de façon permanente. Grâce à cette structure, les étudiants n’ont pas eu à fournir un capital de départ important : par le biais de prêts, de subventions et de contributions directes de sympathisants, ils ont pu financer le projet sans prendre de risques financiers personnels.

Aujourd’hui, le Collegium Academicum est devenu un véritable pôle urbain et social. Outre les étudiants, on y trouve également des familles en logement social et des jeunes suivant une année d’orientation. L’ancien bâtiment administratif de l’hôpital est progressivement rénové pour accueillir un mélange d’espaces éducatifs, d’ateliers et d’appartements. La porte d’entrée du site est en cours de transformation en lieu de rencontre de quartier, avec notamment un repair café. Ce qui avait commencé comme une initiative idéaliste d’étudiants s’est ainsi mué en un projet multifonctionnel qui combine habiter, apprendre et vivre ensemble.